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De la Chambre de la jeunesse au Québec à l'organisation Bayti au Maroc, le partage des pratiques québécoises au service de l'enfant marocain

Catégorie(s): Droits des enfants, Coopération volontaire, Maroc, 2016

L’auteur, Benoît Gingras, est conseiller juridique volontaire déployé en avril dernier au Maroc pour une mission de courte durée auprès de l’organisation Bayti, dans le cadre du projet «Protection des enfants, femmes et autres collectivités vulnérables» mis en œuvre par Avocats sans frontières Canada (ASFC) et le Bureau international des droits des enfants (IBCR), grâce à l'appui financier du gouvernement du Canada accordé par l'entremise d'Affaires mondiales Canada.

En avril 2016, j’arrivais à Casablanca à l’invitation du Bureau international des droits des enfants et de l’organisation Bayti qui intervient au Maroc auprès d’enfants en situation difficile (à noter,Bayti signifie maison en arabe). Un mandat de formation dans trois villes du Maroc m’avait alors été confié. Cette formation cherchait à renforcer les capacités d’ONG qui oeuvrent au Maroc dans le but de modifier les lois qui visent à protéger les enfants.

Être coopérant volontaire représente pour moi un défi et signifie l’apprentissage d’un nouveau métier. En effet, pendant plus de 25 ans j’ai représenté des mineurs à la Cour du Québec en Chambre de la jeunesse. Je quitte mes repères et ma zone de confort. Il était donc important de me mettre à l’écoute des besoins exprimés par les intervenants de Bayti afin de bien cibler l’offre de formation. Cette dernière portait sur le droit des enfants en conflit avec la loi et la notion de l’intérêt supérieur de l’enfant en droit civil québécois et en matière de protection de la jeunesse. Ce regard en droit interne canadien et québécois était examiné sous l’angle de la Convention internationale des drtois des enfants.


Madame la juge Fatima Ougadoum, juge pour les jeunes au Maroc, offrait également de la formation orientée sur la justice des mineurs au Maroc au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant en matière pénale et civile. Ces formations respectives se sont données à Casablanca, Essaouira et Rabat.

Un large consensus s’est dégagé chez les participants autour de l’importance de modifier la législation et la pratique au Maroc afin que les enfants en conflit avec la loi puissent bénéficier de sanctions extra judiciaires, cela afin de désengorger les tribunaux. La possibilité de déjudiciariser leurs dossiers pourrait ainsi être confiée aux intervenants sociaux, comme la loi le permet au Québec et au Canada. Pour cela il faudrait favoriser des mesures autres que la détention. En effet, les enfants ne doivent pas être éloignés de leur famille, ils doivent être réhabilités et les réadaptés à la société. Ils doivent aussi, sans délai, être assistés par un avocat et les mesures éducatives doivent être encouragées. De plus, il faut augmenter les ressources en assistance sociale sur le terrain. Enfin, on ne doit pas les stigmatiser, en assurant la confidentialité des dossiers des enfants accusés d’infractions criminelles. En effet, les enfants criminalisés et stigmatisés sont susceptibles d’adopter la criminalité comme mode de vie.

Pour le Maroc, cela signifie qu’en vertu du droit international la législation au pays doit se diriger vers une justice réparatrice. Pour atteindre cet objectif, les juges pourraient être mieux formés sur la Convention internationale des droits des enfants. Cette nette volonté de modifier le droit pénal des mineurs doit donc être favorisée dans l’intérêt supérieur des enfants.

Madame la juge Ougadoum a affirmé lors des formations que le jeune est l’avenir du Maroc. Elle a ajouté qu’il a droit à la vie, au jeu et au repos. Afin de protéger ces derniers, il faudrait construire de nouveaux centres de protection de la jeunesse et de l’enfance dans le pays (il n’y a actuellement que quatre centres au Maroc). Également, il faudrait protéger les enfants en luttant contre l’analphabétisme tout en favorisant la scolarisation des enfants.

Enfin, un atelier de formation donné à Casablanca a porté sur le décrochage scolaire au Maroc. Les participants marocains souhaitent améliorer la passerelle pour les jeunesqui sont formés à l’éducation non formelle afin qu’ils réintègrent l’école publique. L’association Bayti se mobilise afin que des enfants qui ne fréquentent pas l’école soient scolarisés. Nos discussions ont porté sur l’expérience du Québec en matière de persévérance scolaire et les échanges seront maintenus.

En conclusion, plusieurs ONG sont mobilisées au Maroc afin de modifier les pratiques en matière de justice pour les enfants. Il existe une nette volonté et un plaidoyer pour élaborer des mesures alternatives à la détention dans le pays et celui-ci est construit dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Les intervenants dans le domaine de l’enfance au Maroc souhaitent aussi s’approprier la Convention internationale des droits des enfants et un consensus large fait état de l’importance de préconiser la réhabilitation des enfants en conflit avec la loi au Maroc.

Finalement, il y a une effervescence en ce moment au Maroc afin que les pratiques changent en droit de l’enfance. La maison Bayti et ses intervenants font un travail remarquable. Il nous faut les soutenir et les aider à renforcer leurs interventions sur le terrain.