Les « unions libres » de personnes mineures, un problème de droit humains
Catégorie(s): Coopération volontaire, Droits des enfants, Droits humains, Groupes en situation de vulnérabilité, Costa Rica, 2016
L’auteure, Justine St-Jacques, est conseillère juridique volontaire déployée au Costa Rica auprès de la Fundación Paniamor dans le cadre du projet «Protection des enfants, femmes et autres collectivités vulnérables» mis en œuvre par Avocats sans frontières Canada (ASFC) et le Bureau international des droits des enfants (IBCR) grâce à l'appui financier du gouvernement du Canada accordé par l'entremise d'Affaires mondiales Canada.
En 2013, dans une étude faite en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour la population, Paniamor a appris que 8,6% des adolescentes costaricaines de 12 à 19 ans sont où ont déjà fait partie d’une forme de relation conjugale (mariage ou union libre), de celles-ci, 7% en union libre et 1,3% en mariage (les autres sont séparées, divorcées ou veuves).
Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme défini le ‘’mariage d’enfant’’ ou le ‘’mariage précoce’’, comme le mariage dans lequel au moins un des conjoints a moins de 18 ans . L’ONG ECPAT International, une ONG spécialisée dans la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants, ajoute que les unions libres et les mariages non-enregistrés d’enfants doivent aussi être considérés comme des mariages d’enfants ou des mariages précoces, car dans bien des cas, les enfants qui se retrouvent dans ces formes d’unions se voient même dépourvus des maigres protections qu’offrent un mariage formel . Donc, environ une adolescente costaricaine sur douze se trouve dans une situation de mariage précoce.
Voici pourquoi les statistiques costaricaines sont alarmantes et constituent un problème de droits humains :
Le droit à l’égalité
L’une des problématiques de ce type d’union est la différence de pouvoir entre les deux membres du couple. L’enfant entre dans cette union avec le niveau d’éducation, le développement physique, psychologique et émotionnel, le pouvoir économique et le réseau social d’un enfant. Au contraire, l’adulte entre dans cette union avec plusieurs années d’avance dans son développement économique et social. Il s’agit donc de relations intrinsèquement inégales.
Par exemple au Costa Rica, parmi les adolescentes qui se trouvent en relation conjugales 98% d’entre elles le sont avec des adultes au moins 5 ans plus vieux qu’elles, 33% avec des adultes au moins 7 ans plus vieux qu’elles et 10% avec des partenaires au moins 12 ans plus vieux qu’elles.
Dans le même ordre d’idée, parmi les adolescents costaricains qui vivent où ont vécu en relation conjugale, 88, 3% déclarent ne pas travailler. Ces personnes mineures se trouvent donc en situation de totale dépendance économique.
Par ailleurs, les mariages d’enfants est un problème qui affecte les filles de façon disproportionnée. Pour illustrer, ECPAT International indique que 156 millions de garçons dans le monde ont été mariés avant l’âge de 18 ans, alors que 700 millions de filles ont subi le même sort. Aux États-Unis, pour chaque garçon adolescent marié entre 15 et 19 ans, il y a 8 jeunes filles qui ont vécus la même chose. Cette proportion est de 1 garçon pour 6 filles au Salvador.
En ce sens, les mariages d’enfants ne représentent pas seulement une inégalité profonde au sein d’une relation conjugale, mais aussi une forme de discrimination sur la base du genre.
Le droit à l’éducation
Le mariage d’enfants est associé avec un très haut taux de décrochage scolaire. Au Costa Rica, 74,5% des adolescentes qui sont ou ont été en relation conjugale ne vont pas à l’école. Par conséquent, les jeunes femmes, qui déjà entrent dans une relation conjugale dans une position d’infériorité, voient leur développement stagner et la différence de pouvoir économique et social qui les séparent déjà de leur époux s’agrandir.
Le droit à la santé
Le mariage d’enfants est aussi associé aux grossesses adolescentes. 59,8% des adolescentes costaricaines qui sont ou ont été partie d’une relation conjugale ont au moins un enfant. À leurs tours, les grossesses adolescentes viennent avec leur lot de risques de santé. Les complications liées à la grossesse et l’accouchement est l’une des principales causes de décès des jeunes femmes de 15 à 19 ans. Les enfants nés d’une femme de moins de 20 ans ont 50% plus de chance d’être mort-né ou de mourir dans les premières semaines de vie que les enfants d’une mère plus âgée. Les mères adolescentes ont 4 fois plus de chance de mourir des suites de la grossesse et de l’accouchement que les femmes de plus de 20 ans.
Bref, la situation costaricaine quant aux mariages précoces est inquiétante et pose un réel défi pour faire respecter les droits humains des filles et des adolescentes.
À lire dans le second blogue de la série les « unions inappropriées » : Comment le droit costaricain permet les « unions inappropriées » et le projet de loi qui vise à remédier à la situation.