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Colombie : création d’une juridiction spéciale pour la paix

Catégorie(s): Justice transitionnelle, Colombie, 2017

Un projet de loi créant la Juridiction spéciale pour la paix (JSP), une étape prévue par l’Accord final conclu entre le gouvernement colombien et les FARC-EP en août 2016, a été adopté le 28 mars dernier par la Chambre des représentants et le Sénat.

Cette loi statutaire prévoit notamment la création d’un Système intégral de vérité, justice, réparation et non répétition qui s’appuie sur deux piliers :

- la reconnaissance des victimes en tant que citoyen(ne) ayant droit à la vérité, la justice et la réparation pour les dommages subis à l’occasion du conflit armé;
- l’importance de la vérité et la reconnaissance de la responsabilité par tous les acteurs ayant commis de graves violations des droits humains dans le cadre du conflit armé.

Ce système prévoit également la mise sur pied d’une Commission de la vérité, une unité de recherche des personnes portées disparues dans le cadre du conflit ainsi que des mesures de réparation pour la construction de la paix et les garanties de non répétition.

Qu’est-ce que la JSP?

La nouvelle JSP consiste en un système de justice transitoire, temporaire et autonome sur les plans administratif, budgétaire et technique. Les crimes commis avant le 1er décembre 2016 dans le cadre, à l’occasion ou en relation directe ou indirecte avec le conflit armé, plus particulièrement les crimes constituant de graves infractions au droit international humanitaire ou de graves violations aux droits humains, seront dorénavant de compétence préférentielle et exclusive de cette juridiction.

Les modalités d’exécution de la JSP ont aussi fait l’objet d’un projet de loi, approuvé le 28 mars, qui respecte en grande partie la volonté exprimée par le gouvernement et les FARC lors des pourparlers. Toutefois, certains aspects de la loi de mise en œuvre préoccupent la société civile colombienne et la communauté internationale, car elles s’éloignent sensiblement de l’esprit et de la lettre de l’accord.

Mise en garde de la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI)

Parmi ces modifications, la formulation retenue par le législateur, en ce qui concerne la responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques pour des gestes posés par leurs subordonnés, semble ouvrir la porte à l’impunité pour certains des plus hauts responsables de la hiérarchie militaire.

L’article transitoire 24 de l’accord stipule que la responsabilité des membres des forces de l’ordre pour les actes de leurs subordonnés sera possible « tant que les conditions factuelles le permettent ».

Cette modulation à la baisse des obligations qui découlent de l’article 28 Statut de Rome a été remarquée par la Procureure de la CPI, Mme Fatou Bensouda. Dans une déclaration émise le 21 janvier dernier, la Procureure rappelle que son Bureau pourrait ouvrir une enquête si elle constate qu’il s’agit là d’une tentative manifeste des autorités colombiennes de soustraire sciemment des auteurs présumés de crimes graves aux enquêtes et poursuites menées dans le cadre de la JSP.

Afin de contribuer de façon rigoureuse à la mise en œuvre d’une paix durable dans le respect des droits des victimes et des principes de la lutte contre l’impunité, ASFC se penchera prochainement sur les implications juridiques relatives aux responsabilités internationales de l’État colombien.

Pour en savoir plus sur l’historique du conflit, sur les étapes ayant mené au processus de paix en cours en Colombie ainsi que sur le positionnement d’ASFC, consultez nos fiches pratiques.